© Toute reproduction est interdite sans l'autorisation de l'auteure
Portfolio à télécharger
POÉSIE
Annie Pennanec'h commence la pratique de la gravure en 2011 et débute une série où la figure humaine, le végétal, l’animal et le minéral entretiennent des liens étroits jusqu’à entremêler intimement leurs natures. D’homme-oiseau en femme-feuille, une danse des métamorphoses s’offre au regard dans l’austérité choisie du noir et du blanc.
Puis, cherchant une forme partageable à sa poésie cantonnée jusqu’alors à ses carnets ou à ses lettres, elle crée les Éditions de Morphée en 2012 en publiant un premier recueil de poèmes intitulé « Rêveries » où elle insère en illustration ses quatre premières gravures. S’ensuivent 4 autres recueils, un coffret, des livres pauvres, des leporellos, un livre d'artiste, une gravure/sculpture...
Ses gravures et petits livres sont ce que l’on appelle une petite édition d’artiste. Elle corrige ses écrits, assemble les textes qui peuvent aller ensemble, les met en page, les imprime feuille à feuille, mesure, coupe, plie, encarte, coud… Puis elle examine le résultat sous toutes les coutures jusqu’à ce moment d’euphorie passagère où elle se sent autorisée à publier ces multiples aspects d’un rêve éveillé, ce débordement de sa nuit...
* * * * * *
Été 2023, le dernier recueil publié, Danse avec le Vent, vient remplacer les cinq premiers recueils dans un double mouvement de négation et re-création.
Danse avec le Vent reprend une partie des textes de chaque recueil, parfois transformés, parfois continués ainsi que des textes plus récents. La composition terminée, passer à autre chose poussait très fort alors Annie Pennanec'h l'envoie à l'imprimerie sans trop tarderéfléchirsinquiéter pour une impression numérique qui vaut ce qu’elle vaut (dit-elle:-) 15 € le livre.
"Avec une mise en page sur word, il y a quelques défauts, il faudra excuser cet accouchement prématuré, il y a parfois des urgences où seule la vie prévaut. La délivrance m’a apportée une suite qui n’avait pas été imaginée à l’avance, la transformation picturale, dessinée ou découpée de chaque précédent recueil. Une autocensure plutôt joyeuse et émerveillée du résultat qui se développait sous mes yeux, palimpseste de peintre qui retrouve ses fondamentaux:))."
Les 5 recueils ainsi caviardés auxquels est ajouté Danse avec le Vent - lisible - sont regroupés dans le coffret décoré TABULA RASA réalisé en 5 exemplaires.
Coffret au prix de 930 €
L’édition numérique de Danse avec le Vent la laissait cependant insatisfaite. Elle reprend la mise en page et édite elle-même sur vélin d’Arches 10 exemplaires de Danse avec le Vent, composés chacun de 20 feuillets pliés non reliés, illustrés à l’encre de chine ainsi que la couverture, en vélin BFK Rives. Une estampe en couleurs (linogravure à plaque perdue) complète cette édition d’artiste.
Livre au prix de 370 €
Extraits de Danse avec le Vent
Textes non à la suite les uns des autres dans le recueil
J'écris pour me lire
M'apprendre par cœur car je n'ai pas de mémoire
J'écris pour me savoir
Les mots donnent corps à l'invisible vide
Que j'habite comme le vent la plaine
Au plus fort de l'inconnu
Qui me hante à l'infini
Je souffle en continu
Les atomes contradictoires
D’une parole qui me constitue
Une
Plutôt que mille
Le silence me dissémine
J'habite une région de pluie
qui brouille la vue comme un écran de larmes
Pluie pluie pluie
Des kilomètres de pluie
Des jours et des heures et des jours
De pluie
Nous finirons ratatinés
Rabougris comme de vieilles noix ravinées
Ramassées tout au fond de leur eau de pluie pluie pluie
Des kilomètres de nuit en plein jour
Saoulée de gris gris gris
Quelle danse pour sonner le glas de la pluie ?
Pluie pluie pluie
Non je ne pleure pas
Pluie pluie pluie
Je crie ma soif sèche de sa morsure à lui lui lui
L’astre chaud du jour qui se déplie là-haut tout là-haut
Contre ce désastre de la nuit nuit nuit
Tout le long du jour sans lui lui lui
Rêve de la source
J'avance dans un paysage d’été, vert et boisé, lorsque je découvre une fontaine. Il y a un passage étroit sur le côté, je m’y faufile et commence à descendre le long d’un escalier de pierre hélicoïdal, comme dans un phare à l’envers.
Je descends tout en tournant dans l’iridescente lumière d’un arc-en-ciel ; il jaillit au ralenti du sable fin et blanc du sol de la fontaine. Le sable coule, de source clair, entre mes doigts ouverts jusqu’aux pieds. Je baigne dans la lumière chatoyante de la source arc-en-ciel. Au dessus de ma tête, la surface de l’eau joue avec le miroitement du soleil et le feuillage diapré de la forêt. Constellation d’un plein jour.
Une vie de rêve
De la miniature à la fresque
Les premières peintures
Donnent la mesure des extrêmes
- La vie qui viendra -
Sans oublier d’inviter à demeure
La poésie familière du vertige
Garde-fou de mon cri
Je travaille
À la création d’obstacles sur mesure
J’aime gagner ma vie à la compliquer
D’amis invisibles au grand jour
De dialogues de sourds
Avec des interlocuteurs muets
D’expositions de peinture
Aux cimaises de mes châteaux andalous
Une vie de rêve
Où mes larmes
Mélangées au pigment
Soulignent d’écarlate
Mes mots chantés à nu
Peintre en herbe
Dans ma prochaine vie, je serai grande
Je peindrai de l’herbe
J’habiterai au bord de la Méditerranée
J’élèverai des cailloux
Que les enfants s’amuseront à jeter dans la mer
Turquoise
Sans penser à rien
Tumulus
De mousse vêtu
Antre charnu de la terre
J’aimerais comme sépulture
Cette maison de fée
Au parfum de terre mouillée
L’été
De mousse frottée
L’automne
Une table ronde
Lourdement posée sur l’entrée
De ma dernière maison
Pour donner aux vivants
Toute l’ampleur du mystère
Sa saveur
Son odeur
Sa rondeur
Aux petites bêtes
Offrir
Une verte prairie pour courir
Faire leur nid
L’amour
Et des petits
Danser une dernière fois
Dans mon cercle magique
Puis
D’un bond
M’envoler
Pour de bon
Automne
Dans la ronde des jours
La sève monte
Et puis descend
Gagne les souterrains
Ombreux
À la lumière diffuse
De l'antre de la vie
Autre
Pays de mes racines
Sous la terre c'est le monde à l'envers
Je regarde l'eau
Comme un horizon sens dessus dessous
L'herbe verte et les roches nues
Flottent dans l'azur
Le chemin de ronces
Je quitte mon immobilité de pierre et mon silence ombreux où les mots se bousculaient au portillon de ma bouche toujours close, pour la lumière, même si elle me heurte, pour la compagnie des hommes, même si je m'y écorche comme sur un chemin de ronces. Dans la rencontre avec l’autre, si l'émotion me submerge, le chemin bifurque sur une virgule, un adjectif désuet, trois mots de trop et ma compagne l’angoisse ressort de son cachot, entachant de poix mes élans naïfs et sincères, mouvements de tendresse ailés, jaillissant comme traits d'encre fulgurants. Je me soigne à coup d'image poétique et d'écriture épistolaire. La correspondance, portée par l'enchantement des affinités, ouvre un autre monde à la marge du réel. Lecture, attention, écoute, réponses.
Une robinsonne jetant ses bouteilles à la mer.
Je pleure un trop-plein de silence
qui me tue à petit feu
Alors je me parle toute seule
une langue que personne ne comprend
Allez chercher la camisole
Vêtue de cette armure aux bras croisés
je pars en croisade armée
de ma langue vivante
bouter hors du cercle des aimés
Les muets de la vie, les faux amis et les vrais qui oublient, les taiseux mal embouchés, les aventuriers en charentaise, les tièdes amoureux du compromis, les rigides de la pensée taoïste, les vertueux rêveurs, les débauchés coincés, les tristes sires et les blagueurs pas drôles, les donneurs de leçon mal apprise, les lâches qui s'en targuent, et j'en passe...
Toutes fenêtres ouvertes
j’ai bu le vent violent
Ménage de printemps
de mon être en dedans
La maison biscornue
abrite chambre secrète
placard à oubliette
geôle insalubre
et bureau de forçat
Le salon d’apparat est dévasté
la nourriture a disparu des grandes cuisines
À l’étage des sentiments
le vent mué en ouragan
a tout détruit
Quatre piliers émergent du brouillard
des états d’âmes poussiéreux
qui voltigent
Il y a un petit tas de ruines
desquelles a poussé un arbre
à la haute ramure
d’où j’épouse le vent
en vigie solitaire
consignant les mouvements d’une vie
dans l'écorce de son tronc
J'habite cet arbre de poète
à la cime dans la brume
d'où je continue à défier
celui qui tire sur le fil
de mon pull effiloché