POÉSIE

La grande sieste - linogravure
En 2011, je commence la pratique de la gravure et je débute une série où la figure humaine, le végétal, l’animal et le minéral entretiennent des liens étroits jusqu’à entremêler intimement leurs natures. D’homme-oiseau en femme-feuille, une danse des métamorphoses s’offre au regard dans l’austérité choisie du noir et du blanc, parfois rehaussée de couleurs à la gouache.
Puis, cherchant une forme partageable à ma poésie cantonnée jusqu’alors à mes carnets ou à mes lettres, je crée les Éditions de Morphée en 2012 en publiant un premier recueil de poèmes intitulé « Rêveries » où j’insère en illustration mes quatre premières gravures. S’ensuivent 4 autres recueils, un coffret, des livres pauvres, une gravure/sculpture et deux projets actuellement en cours de réalisation.
Les gravures et les petits livres que je fabrique sont ce que l’on appelle une petite édition d’artiste. Je corrige mes écrits, assemble les textes qui peuvent aller ensemble, les mets en page, les imprime feuille à feuille, mesure, coupe, plie, encarte, couds… Puis j’examine le résultat sous toutes les coutures jusqu’à ce moment d’euphorie passagère où je me sens autorisée à publier ces multiples aspects d’un rêve éveillé, ce débordement de ma nuit...
Extraits de "Dans les bras d'Éole"
Je souffle en continu
Les atomes contradictoires
D’une parole qui me constitue
Une
Plutôt que mille
Le silence me dissémine
J'habite une région de pluie
qui brouille la vue comme un écran de larmes
Pluie pluie pluie
Des kilomètres de pluie
Des jours et des heures et des jours
De pluie
Nous finirons ratatinés
Rabougris comme de vieilles noix ravinées
Ramassées tout au fond de leur eau de pluie pluie pluie
Des kilomètres de nuit en plein jour
Saoulée de gris gris gris
Quelle danse pour sonner le glas de la pluie ?
Pluie pluie pluie
Non je ne pleure pas
Pluie pluie pluie
Je crie ma soif sèche de sa morsure à lui lui lui
L’astre chaud du jour qui se déplie là-haut tout là-haut
Contre ce désastre de la nuit nuit nuit
Tout le long du jour sans lui lui lui
Rêve de la source
J'avance dans un paysage d’été, vert et boisé, lorsque je découvre une fontaine. Il y a un passage étroit sur le côté, je m’y faufile et commence à descendre le long d’un escalier de pierre hélicoïdal, comme dans un phare à l’envers.
Je descends tout en tournant dans l’iridescente lumière d’un arc-en-ciel ; il jaillit au ralenti du sable fin et blanc du sol de la fontaine. Le sable coule, de source clair, entre mes doigts ouverts jusqu’aux pieds. Je baigne dans la lumière chatoyante de la source arc-en-ciel. Au dessus de ma tête, la surface de l’eau joue avec le miroitement du soleil et le feuillage diapré de la forêt. Constellation d’un plein jour.
Une vie de rêve
De la miniature à la fresque
Les premières peintures
Donnent la mesure des extrêmes
- La vie qui viendra -
Sans oublier d’inviter à demeure
La poésie familière du vertige
Garde-fou de mon cri
Je travaille
À la création d’obstacles sur mesure
J’aime gagner ma vie à la compliquer
D’amis invisibles au grand jour
De dialogues de sourds
Avec des interlocuteurs muets
D’expositions de peinture
Aux cimaises de mes châteaux andalous
Une vie de rêve
Où mes larmes
Mélangées au pigment
Soulignent d’écarlate
Mes mots chantés à nu
Peintre en herbe
Dans ma prochaine vie, je serai grande
Je peindrai de l’herbe
J’habiterai au bord de la Méditerranée
J’élèverai des cailloux
Que les enfants s’amuseront à jeter dans la mer
Turquoise
Sans penser à rien
Tumulus
De mousse vêtu
Antre charnu de la terre
J’aimerais comme sépulture
Cette maison de fée
Au parfum de terre mouillée
L’été
De mousse frottée
L’automne
Une table ronde
Lourdement posée sur l’entrée
De ma dernière maison
Pour donner aux vivants
Toute l’ampleur du mystère
Sa saveur
Son odeur
Sa rondeur
Aux petites bêtes
Offrir
Une verte prairie pour courir
Faire leur nid
L’amour
Et des petits
Danser une dernière fois
Dans mon cercle magique
Puis
D’un bond
M’envoler
Pour de bon
Automne
Dans la ronde des jours
La sève monte
Et puis descend
Gagne les souterrains
Ombreux
À la lumière diffuse
De l'antre de la vie
Autre
Pays de mes racines
Sous la terre c'est le monde à l'envers
Je regarde l'eau
Comme un horizon sens dessus dessous
L'herbe verte et les roches nues
Flottent dans l'azur