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EXTRAITS

Extrait de : Pastoral. De la poésie comme écologie. Jean-Claude PINSON :

 

"Fuir la vie superficielle, "bavarde", et se retirer dans une "vie profonde" pour y mener une vie d'anachorète ne signifie pas nécessairement qu'on renonce et qu'on cède à la banale tentation narcissique d'une retraite où pouvoir cuver sa mélancolie et rêver à loisir. Le pas de côté qui consiste à choisir une forme de vie nécessaire à quiconque souhaite se livrer pleinement à l'activité solitaire du penseur, du chercheur, de l'écrivain, de l'artiste, n'est pas dépourvu d'une dimension critique. C'est aussi, souvent sinon toujours, affirmer, en s'éloignant de tous les lieux de pouvoir, un refus de l'ordre du monde.

(...)

Un semblable chemin de traverse, le "poétariat" peut aussi l'emprunter quand il s'avère que l'opération poétique ne peut être que souterraine, opérant alors selon une ligne plus diagonale que frontale. "Fuir, se cacher, enterrer un témoignage, aller ailleurs, trouver la tangente...", c'est encore agir. Et Georges Didi-Huberman, à qui j'emprunte ces mots, de citer, après Hannah Arendt, l'exemple de Lessing, "qui sût se retirer sans se replier" ("se retirer "hors du monde" de la lumière tout en travaillant, écrit Didi-Huberman, à quelque chose qui pût "être encore utile au monde", une lueur en somme").

(...)

Beaucoup de tous ceux qui aspirent à être les poètes de leur existence (...) font ce choix. C'est dans l'ombre et les marges, réfugiés dans la "vie profonde", qu'ils agissent, attachés à retrouver, ressusciter l'"archaïque naïveté" de "l'immanence perdue" (ce sont les mots de Sartre à propos de Merleau-Ponty). Anachorètes, ils sont aussi souvent choreutes, car le chœur et la fraternité leur importent. Dispersés, ils s'emploient, à rebours de l'éclatement en archipel qui est le leur, à recréer du commun et du lien, des solidarités, usant pour cela de tous les outils offerts par les technologies d'aujourd'hui. (ou pas;)

 

Extrait de : Un monde ouvert de Kenneth WHITE :

                              assuré

      que la visée vitale

                        de l'art

              c'est de jeter à la ronde

images

               témoignages

                                      preuves

     d'une puissance de synthèse

                            accordée à la vie

            et qui préserve la vie

contre la solitude

             le morcellement

       les agressions froides

                             de l'espace et du temps

***

Abracadabra

Je recueille bout par bout

Ce qui subsiste en moi

Tessons de colère

Lambeaux de passion

Escarbilles de joie

Je couds, colle et cautérise

Abracadabra !

Je suis de nouveau debout

Pour quelle autre bataille ?

Abdellatif Laâbi

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