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ARBRES

"Le charme jeté sur le monstre"

Henri Bauchau : Deux puissances sont en nous : d’un côté, ce que nous pouvons rendre conscient et, de l’autre, ce qui reste enfoui dans l’inconscient. Avec lui, nous restons en liaison obscure avec toute l’histoire de l’humanité, et même sans doute avec toute l’histoire de la terre, avec notre animalité. Comme le dit Freud : « Nous sommes des petites surfaces flottant dans des océans d’inconscient ». Il s’agit donc d’essayer d’ouvrir le conscient à l’inconscient, d’établir ce que Jouve appelle à propos de l’imagination, « un libre rapport avec l’inconscient », à condition qu’il y ait « un charme jeté sur le monstre ». Et, avoir un libre rapport avec le monstre qu’est l’inconscient, c’est très difficile, c’est l’œuvre d’une vie.

Indira De Bie : « Le charme jeté sur le monstre » est une expression que vous reprenez dans nombre de vos entretiens. Est-ce que vous n’auriez pas une expression qui vous serait plus personnelle, qui relèverait de votre langue ?

Henri Bauchau : Pour charmer les serpents il faut une musique. On les soumet à quelque chose en même temps qu’on les charme. « Le charme jeté sur le monstre », c’est quelque chose de semblable. Il s’agir d’appeler l’inconscient, en obtenant de lui qu’il se manifeste sous des formes accessibles et acceptables. Qu’au lieu de se manifester par la guerre, par l’assassinat, par la transe… il accepte de se manifester par une musique que nous pouvons entendre, qui peut nous charmer, par des paroles que nous pouvons comprendre et qui peuvent aussi nous charmer, par des tableaux.

 

 

Henri Bauchau « Un arbre de mots – Entretien avec Indira De Bie »

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